Il n'a pas toujours été simple de répondre à cette question.
Ne serait-ce que parce que très longtemps, il n'y avait pas de montre, d'horloge, de pendule ou de tout autre système de mesure du temps.
Comment faisaient alors les anciens pour se repérer dans le temps ?
A une petite échelle, le cycle jour/nuit suffisait bien. Le cycle de la lune équivalait ensuite à notre notion de mois (une lunaison dure 29,5 jours) et à plus grande échelle les solstices et équinoxes donnaient l'information des saisons actuelles.
Quand on se donnait rendez-vous à l'époque, c'était donc plus du genre "On se retrouve ici dans 2 lunes et 6 jours" (avec une précision d'environ 12 heures) que "19h45 pétante devant le ciné". La notion de ponctualité n'était donc pas trop de mise...
Mais pourquoi s'intéresser au temps ? Qu'est ce qui justifie qu'on veuille autant le mesurer ?
Bien avant la mesure du temps pour planifier les semences et les récoltes (disons que c'est mieux de ne pas planter avant l'hiver qui détruira tout...), la question s'est posée en raison du caractère mortel de l'Homme.
Quel intérêt en effet a t'on à mesurer le temps si on est éternel ? Le temps n'est une notion valable que quand il y a un début et une fin et la mesure de la vie humaine en était une bonne raison.
Les premiers systèmes de mesure du temps furent basiques. Tel le gnomon, bâton planté dans le sol et dont l'ombre projetée par le soleil permettait de suivre sa course circulaire sur le sol et donc la journée. Ancêtre du cadran solaire et qui explique au passage pourquoi nos montres sont rondes.
Comment est venue la division de la journée en 12 heures suite à cela (et non en 10 comme on aurait pu s'y attendre dans notre société décimale) ? J'en avais déjà parlé dans mon petit article sur les Babyloniens mais pour faire simple, il faut juste savoir qu'à cette époque, les hommes étaient nomades. Et le système qui prédominait était alors le troc. Et très vite les gens se sont rendus compte que la base 10 se prêtait assez mal aux échanges (si j'ai 10 chèvres et que je veux les diviser entre mes 3 fils, je vais vite avoir un problème). La base 12 en revanche se prêtait beaucoup mieux aux divisions car 12 admet davantage de diviseurs (2,3,4,6) que 10 (2,5).
C'est donc le système comptable à cette époque qui a orienté la division du temps et il était donc normal qu'on divise une journée en 12 parts plutôt qu'en 10.
Les systèmes de mesure du temps ont évolué.
On a connu la clepsydre (littéralement "échappement d'eau") avec cette petite imprécision au début qui venait du fait que la vitesse d'écoulement d'un fluide dépend de sa pression et que donc plus le récipient se vidait, plus la pression d'écoulement diminuait et donc le temps mesuré n'était plus constant.
Les Égyptiens perfectionneront ce système en intercalant une jarre "tampon" entre les deux précédentes, jarre toujours remplie à ras bord et qui assurait donc un écoulement constant dans la jarre du bas.
Le sablier est ensuite apparu mais tous ces systèmes de mesure du temps avait un gros problème : dès qu'il faisait nuit et qu'on ne voyait plus rien, on avait vite un problème pour connaitre l'heure.
On inventa alors les bougies horaire mais là question risque d'incendie, on était pas non plus très serein...
Pour faire un aparté sur ce point, c'est la raison pour laquelle (plus tard) on inventera les répétitions-minutes. Alors qu'aujourd'hui, une RM ne sert qu'à prouver son savoir-faire horloger, et au passage ajouter un zéro au prix de la montre, au moyen-âge il y avait une réelle utilité à la complication : connaitre l'heure la nuit.
Parce qu'on avait bien les crieurs d'heure qui tournaient en ville la nuit en hurlant "Il est 3hhhhhh, toutttt va bieeeeeeennnn !!", mais ça dérangeait pas mal de monde qui ne demandait rien à personne si ce n'est dormir tranquille.
Et puis vers le milieu du moyen-âge, on va faire une série de découverte techniques qui vont rendre possible la création d'horloge.
D'abord, on va découvrir l'isochronisme du pendule. Cela veut dire que si vous prenez un pendule (une bille de plomb suspendue par un fil) et que vous le lâchiez d'un angle quelconque par rapport à la verticale, il passera par le point zéro aux mêmes instants. La période est donc indépendante de l'amplitude ! Il ira juste plus vite pour une distance plus grande mais il conservera la même fréquence.
On avait donc ainsi un système qui puisse mesurer le temps de manière régulière. (De cela en découlera les vieilles pendules de salon avec le balancier qui se balance de gauche et de droite avec un tic tac bruyant et omniprésent).
Sauf qu'en l'état, le problème était qu'un pendule n'allait pas battre la mesure indéfiniment. A cause des frottements de l'air, il finira par s'arrêter. Il fallait donc un moyen de lui fournir régulièrement de l'énergie pour entretenir ce mouvement.
Et c'est là que le ressort entre en scène. Un ressort est un système mécanique qui accumule et restitue de l'énergie. Si on trouvait donc un système capable de transmettre l'énergie du ressort à un pendule et entretenir ainsi ses oscillations, on aurait un moyen de mesurer durablement le temps !
La corporation des serruriers sont alors les premiers vers 1450 à créer un système mécanique d'entrainement. Ils utilisent alors la gravité via un système de poids qu'on remonte avec une poulie et qui en descendant va entrainer un système mécanique dont les rouages (la roue avait heureusement été inventée bien avant) permettront d'engrener et multiplier le mouvement.
La notion de "remonter" une montre vient donc de ces première horloges fonctionnant grâce à la gravité.
Le temps faisant, les serruriers se spécialiseront et deviendront horlogers.
Or à cette époque (fin du XVe siècle) on se trouve en plein dans la période des grandes découvertes maritimes. Et une pendule ne marche qu'à la verticale parfaite pour mesurer le temps, chose difficilement possible avec le tangage des bateaux. C'est pour cette raison d'ailleurs que Christophe Colomb, lors de son périple transatlantique, ayant peu confiance dans les pendules de l'époque, utilisait un sablier qui devait être retourné toutes les 30 minutes par un matelot.
Les grandes conquêtes donneront le signal au développement de l'horlogerie actuelle.
Il fallait des systèmes précis pour se repérer en mer. La latitude s'obtenait assez facilement par observations du ciel et mesures, en revanche le calcul de la longitude était beaucoup plus délicat et imposait d'avoir des systèmes de chronométrage du temps précis à bord.
Et puis, il est bien gentil de partir à la découverte de terres inconnues, on se laisse porter au vent et on voit où on arrive mais à un moment, il faut quand même bien rentrer chez soi...
Bref, c'est pour cette raison que les Anglais, via leur marine puissante, furent les premiers contributeurs à l'horlogerie, notamment dans l'invention du balancier spiral.
Le ressort qui accumule et redonne l'énergie se trouve alors sous la forme d'un spiral
sur lequel est fixé une roue (le balancier) qui oscille et entretient l'isochronisme.
A partir de là, le principe de base est défini et les systèmes évolueront peu jusqu'à nos jours :
Un barillet (ressort) accumule de l'énergie par le remontage (manuel ou automatique) qu'il libère en entraînant une succession de rouages (heures, minuterie, seconde, ...) jusqu'à la roue d'échappement qui laisse "échapper" l'énergie du barillet de manière contrôlée grâce à l'ancre dont le mouvement est régulée et entretenu par le balancier et son spiral. Les marches des roues d'heure, minutes, secondes sont réalisées dans des rapports de démultiplications calculées qui permettent de suivre le rythme des heures, minutes, secondes.
Pour conclure, l'horlogerie actuelle et la mesure du temps telle qu'on la connait aura été rendu possible grâce à quatre grandes inventions humaines combinées entre elles :
- La roue, qui permet l'engrenage et la transmission. C'est ce qu'on appelle l'organe multiplicateur.
- Le ressort, qui permet l'accumulation et la restitution d'énergie. C'est l'organe moteur.
- Le pendule, qui évoluera en un spiral et une roue de balancier, qui permet l'isochronisme et la régulation de l'énergie libérée. C'est l'organe régulateur.
- La métallurgie car on oublie que sans cette invention de l'ère industrielle, rien n'aurait été possible (des roues en bois dans une montre, ça le ferait moyen question précision et longévité...)
L'horlogerie est un batard technologique dans le sens où ça ne sert plus à rien de nos jours. On a mieux, plus précis, moins cher, plus rapide mais c'est quasiment l'un des seuls batards technologiques qui a survécu de nos jours.
Car il faut bien l'admettre : outre le fait qu'un mouvement horloger fascine par sa capacité à mécaniser le temps, notion par définition abstraite, il faut aussi reconnaitre que c'est drôlement beau...
(Ceci est ma synthèse d'un cours d'horlogerie théorique de M.Figols, crédits et merci à lui pour ce moment passionnant !)
Ne serait-ce que parce que très longtemps, il n'y avait pas de montre, d'horloge, de pendule ou de tout autre système de mesure du temps.
Comment faisaient alors les anciens pour se repérer dans le temps ?
A une petite échelle, le cycle jour/nuit suffisait bien. Le cycle de la lune équivalait ensuite à notre notion de mois (une lunaison dure 29,5 jours) et à plus grande échelle les solstices et équinoxes donnaient l'information des saisons actuelles.
Quand on se donnait rendez-vous à l'époque, c'était donc plus du genre "On se retrouve ici dans 2 lunes et 6 jours" (avec une précision d'environ 12 heures) que "19h45 pétante devant le ciné". La notion de ponctualité n'était donc pas trop de mise...
Mais pourquoi s'intéresser au temps ? Qu'est ce qui justifie qu'on veuille autant le mesurer ?
Bien avant la mesure du temps pour planifier les semences et les récoltes (disons que c'est mieux de ne pas planter avant l'hiver qui détruira tout...), la question s'est posée en raison du caractère mortel de l'Homme.
Quel intérêt en effet a t'on à mesurer le temps si on est éternel ? Le temps n'est une notion valable que quand il y a un début et une fin et la mesure de la vie humaine en était une bonne raison.
Les premiers systèmes de mesure du temps furent basiques. Tel le gnomon, bâton planté dans le sol et dont l'ombre projetée par le soleil permettait de suivre sa course circulaire sur le sol et donc la journée. Ancêtre du cadran solaire et qui explique au passage pourquoi nos montres sont rondes.
Comment est venue la division de la journée en 12 heures suite à cela (et non en 10 comme on aurait pu s'y attendre dans notre société décimale) ? J'en avais déjà parlé dans mon petit article sur les Babyloniens mais pour faire simple, il faut juste savoir qu'à cette époque, les hommes étaient nomades. Et le système qui prédominait était alors le troc. Et très vite les gens se sont rendus compte que la base 10 se prêtait assez mal aux échanges (si j'ai 10 chèvres et que je veux les diviser entre mes 3 fils, je vais vite avoir un problème). La base 12 en revanche se prêtait beaucoup mieux aux divisions car 12 admet davantage de diviseurs (2,3,4,6) que 10 (2,5).
C'est donc le système comptable à cette époque qui a orienté la division du temps et il était donc normal qu'on divise une journée en 12 parts plutôt qu'en 10.
Les systèmes de mesure du temps ont évolué.
On a connu la clepsydre (littéralement "échappement d'eau") avec cette petite imprécision au début qui venait du fait que la vitesse d'écoulement d'un fluide dépend de sa pression et que donc plus le récipient se vidait, plus la pression d'écoulement diminuait et donc le temps mesuré n'était plus constant.
Les Égyptiens perfectionneront ce système en intercalant une jarre "tampon" entre les deux précédentes, jarre toujours remplie à ras bord et qui assurait donc un écoulement constant dans la jarre du bas.
Le sablier est ensuite apparu mais tous ces systèmes de mesure du temps avait un gros problème : dès qu'il faisait nuit et qu'on ne voyait plus rien, on avait vite un problème pour connaitre l'heure.
On inventa alors les bougies horaire mais là question risque d'incendie, on était pas non plus très serein...
Pour faire un aparté sur ce point, c'est la raison pour laquelle (plus tard) on inventera les répétitions-minutes. Alors qu'aujourd'hui, une RM ne sert qu'à prouver son savoir-faire horloger, et au passage ajouter un zéro au prix de la montre, au moyen-âge il y avait une réelle utilité à la complication : connaitre l'heure la nuit.
Parce qu'on avait bien les crieurs d'heure qui tournaient en ville la nuit en hurlant "Il est 3hhhhhh, toutttt va bieeeeeeennnn !!", mais ça dérangeait pas mal de monde qui ne demandait rien à personne si ce n'est dormir tranquille.
Et puis vers le milieu du moyen-âge, on va faire une série de découverte techniques qui vont rendre possible la création d'horloge.
D'abord, on va découvrir l'isochronisme du pendule. Cela veut dire que si vous prenez un pendule (une bille de plomb suspendue par un fil) et que vous le lâchiez d'un angle quelconque par rapport à la verticale, il passera par le point zéro aux mêmes instants. La période est donc indépendante de l'amplitude ! Il ira juste plus vite pour une distance plus grande mais il conservera la même fréquence.
On avait donc ainsi un système qui puisse mesurer le temps de manière régulière. (De cela en découlera les vieilles pendules de salon avec le balancier qui se balance de gauche et de droite avec un tic tac bruyant et omniprésent).
Sauf qu'en l'état, le problème était qu'un pendule n'allait pas battre la mesure indéfiniment. A cause des frottements de l'air, il finira par s'arrêter. Il fallait donc un moyen de lui fournir régulièrement de l'énergie pour entretenir ce mouvement.
Et c'est là que le ressort entre en scène. Un ressort est un système mécanique qui accumule et restitue de l'énergie. Si on trouvait donc un système capable de transmettre l'énergie du ressort à un pendule et entretenir ainsi ses oscillations, on aurait un moyen de mesurer durablement le temps !
La corporation des serruriers sont alors les premiers vers 1450 à créer un système mécanique d'entrainement. Ils utilisent alors la gravité via un système de poids qu'on remonte avec une poulie et qui en descendant va entrainer un système mécanique dont les rouages (la roue avait heureusement été inventée bien avant) permettront d'engrener et multiplier le mouvement.
La notion de "remonter" une montre vient donc de ces première horloges fonctionnant grâce à la gravité.
Le temps faisant, les serruriers se spécialiseront et deviendront horlogers.
Or à cette époque (fin du XVe siècle) on se trouve en plein dans la période des grandes découvertes maritimes. Et une pendule ne marche qu'à la verticale parfaite pour mesurer le temps, chose difficilement possible avec le tangage des bateaux. C'est pour cette raison d'ailleurs que Christophe Colomb, lors de son périple transatlantique, ayant peu confiance dans les pendules de l'époque, utilisait un sablier qui devait être retourné toutes les 30 minutes par un matelot.
Les grandes conquêtes donneront le signal au développement de l'horlogerie actuelle.
Il fallait des systèmes précis pour se repérer en mer. La latitude s'obtenait assez facilement par observations du ciel et mesures, en revanche le calcul de la longitude était beaucoup plus délicat et imposait d'avoir des systèmes de chronométrage du temps précis à bord.
Et puis, il est bien gentil de partir à la découverte de terres inconnues, on se laisse porter au vent et on voit où on arrive mais à un moment, il faut quand même bien rentrer chez soi...
Bref, c'est pour cette raison que les Anglais, via leur marine puissante, furent les premiers contributeurs à l'horlogerie, notamment dans l'invention du balancier spiral.
Le ressort qui accumule et redonne l'énergie se trouve alors sous la forme d'un spiral
sur lequel est fixé une roue (le balancier) qui oscille et entretient l'isochronisme.
A partir de là, le principe de base est défini et les systèmes évolueront peu jusqu'à nos jours :
Un barillet (ressort) accumule de l'énergie par le remontage (manuel ou automatique) qu'il libère en entraînant une succession de rouages (heures, minuterie, seconde, ...) jusqu'à la roue d'échappement qui laisse "échapper" l'énergie du barillet de manière contrôlée grâce à l'ancre dont le mouvement est régulée et entretenu par le balancier et son spiral. Les marches des roues d'heure, minutes, secondes sont réalisées dans des rapports de démultiplications calculées qui permettent de suivre le rythme des heures, minutes, secondes.
Pour conclure, l'horlogerie actuelle et la mesure du temps telle qu'on la connait aura été rendu possible grâce à quatre grandes inventions humaines combinées entre elles :
- La roue, qui permet l'engrenage et la transmission. C'est ce qu'on appelle l'organe multiplicateur.
- Le ressort, qui permet l'accumulation et la restitution d'énergie. C'est l'organe moteur.
- Le pendule, qui évoluera en un spiral et une roue de balancier, qui permet l'isochronisme et la régulation de l'énergie libérée. C'est l'organe régulateur.
- La métallurgie car on oublie que sans cette invention de l'ère industrielle, rien n'aurait été possible (des roues en bois dans une montre, ça le ferait moyen question précision et longévité...)
L'horlogerie est un batard technologique dans le sens où ça ne sert plus à rien de nos jours. On a mieux, plus précis, moins cher, plus rapide mais c'est quasiment l'un des seuls batards technologiques qui a survécu de nos jours.
Car il faut bien l'admettre : outre le fait qu'un mouvement horloger fascine par sa capacité à mécaniser le temps, notion par définition abstraite, il faut aussi reconnaitre que c'est drôlement beau...
(Ceci est ma synthèse d'un cours d'horlogerie théorique de M.Figols, crédits et merci à lui pour ce moment passionnant !)
1 commentaire:
Très joli blog que j'ai trouvé en cherchant un résumé du livre de Robert Greene.
Philippe
Centrale Nantes 2002
Quaker en compétition durant ma jeunesse
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